Cavaillé-Coll
Le grand orgue de St Etienne de Caen figure au nombre des
chefs-d'œuvre construits par le génial maître organier
Aristide Cavaillé-Coll qui, parvenu au sommet de son art, a
doté en 1885 l'abbatiale d'un instrument symphonique
exceptionnel. Restauré en 1999, il comble les interprètes
qui sont subjugués par la variété et la richesse de ses
fonds.
On trouve dans l’orgue de Caen tous les raffinements de
facture expérimentés en autres lieux, une robuste et
puissante soufflerie à plusieurs pressions.
Cavaillé-Coll reste le génial harmoniste qui a doté ces
instruments lesquels, par les beautés de leurs timbres
individuels et par la majesté des ensembles, restent des
merveilles
Ainsi, à la fois puissant, dramatique et capable d'amples
crescendos et de nuances mais d'une harmonie élégante et
fine, l'orgue de Cavaillé-Coll a-t-il comblé les musiciens
français de la seconde moitié du XIX siècle pour qui il fut
un outil en totale adéquation avec l'esthétique romantique
alors en vogue depuis les années 1830, les premières
oeuvres de Berlioz ou d'Halévy, la diffusion française des
symphonies de Beethoven et les succès d'étrangers tels
Meyerbeer.
Historique
et Caractéristiques de l'Instrument
Dès
sa création au XIème siècle, l'Abbaye aux Hommes devint un
foyer d'éducation artistique réputé et il est possible que
les chants y soient déjà accompagnés par un instrument mais
il n'en transparaît aucune preuve.
Les archives attestent qu'un orgue existait au XVème
siècle. Il fut détruit par les Huguenots en 1562. Après le
sac de l'église, il fallut attendre près de deux siècles
avant la commande aux célèbres facteurs rouennais Lefebvre,
en 1737, d'un nouvel orgue qui fut monté dans le buffet
monumental que nous voyons aujourd'hui sur la tribune de
pierre spécialement élevée au-dessus du grand portail.
Ce meuble s'harmonise fort bien avec l'austère architecture
romane de l'abbatiale. Toute la décoration à dominante
végétale stylisée a été réservée aux cinq couronnements des
plates-faces et au sommet des tourelles. Deux atlantes
herculéens, oeuvre du sculpteur Gouy, soutiennent les
grandes tourelles latérales.
Il s'agissait ici d'un très grand instrument d'une
soixantaine de jeux, d'un grand seize pieds de composition
classique, longtemps considéré comme le second du royaume
avec ses cinq claviers manuels et son pédalier et qui
apportait d'importantes améliorations techniques et sonores
pour son époque.
Sauvé des méfaits de la Révolution, il devint vite
inutilisable et une première intervention importante par le
facteur Verschneider en 1860 ne parvint pas à le sauver. Il
fallut songer à une totale
reconstruction.
En
1882, la paroisse passa marché, pour 70.000 F, avec le plus
célèbre organier français Aristide Cavaillé-Coll qui,
parvenu à l'apogée de sa renommée, s'engagea à construire
un ensemble de très grande qualité avec des matériaux de
tout premier choix, un ensemble muni des derniers
perfectionnements, la plupart ayant été mis au point par
lui-même.
Il s'agissait d'un orgue de 50 jeux alimenté par une
puissante soufflerie (à cette époque actionnée par quatre
hommes) desservant une douzaine de réservoirs secondaires
régulateurs et anti-secousses. Cet orgue serait équipé de
sommiers à double laye, de deux machines pneumatiques
destinées à adoucir le toucher des claviers, de nombreuses
pédales de combinaisons et des fameux jeux harmoniques qui
étaient la spécialité du constructeur.
Thiémann, le meilleur mécanicien de la firme, dressa les
plans de la machine et Félix Reinburg, harmoniste de très
grande valeur, véritable artiste en la matière, réalisa une
première mise en harmonie en atelier qui fut reprise par
Joseph Koenig après remontage dans l'ancien buffet des
Lefebvre qui fut conservé pour son excellent état (il fut
évalué à ce moment pour 60.000 F).
L’orgue
de Cavaillé-Coll, qui remplaçait le grand plein-jeu du
XVIIIème siècle, est celui que nous entendons aujourd'hui.
De conception symphonique il appartient à la dernière
manière du maître-facteur qui a su le mettre en résonance
avec l'acoustique capricieuse de l'édifice.
Il excelle, bien sûr, dans l'évocation des grandes fresques
sonores des Franck,
Widor,
Vierne, Reger, Dupré ou Messiaen, pour ne citer que
ceux-là. Il comble aussi les improvisateurs qui sont
subjugués par l'indicible beauté de ses jeux de fonds, par
la noblesse de ses jeux d'anches, par la vérité sonore de
ses jeux de détail et par la noblesse de son majestueux
tutti de plénitude. Il s'agit bien d'un orgue à la
Guillaume-le-Conquérant pour reprendre une expression du
grand Marcel Dupré.
Sa
réputation dépasse largement nos frontières. Il nous
parvient heureusement dans son intégralité originelle grâce
à la vigilance de tous ses responsables. Classé monument
historique dans sa totalité, il figure au palmarès des
quatre ou cinq meilleures réalisations du plus grand
facteur du XIXème siècle.
Historique et Caractéristiques de l'Instrument
Quelques chiffres
Hauteur
totale des buffets :
13,50 mètres.
L’orgue compte
3.418 tuyaux,
dont 3.166 en étain ou alliages et 252 en bois (chêne ou
sapin).
Longueur totale des transmissions mécaniques (tirage des
notes et des jeux) : environ 2.000 mètres.
112
relais pneumatiques Barker-Cavaillé-Coll
assistent les mécanismes de tirage des notes pour en
adoucir le mouvement.
La grande soufflerie électrique (moteur triphasé en 3,5 CV)
qui remplace avantageusement les quatre souffleurs d'antan,
installée dans le clocher sud, fournit
38.000 litres d'air par minute.
Plus de 15.000 litres d'air sont toujours en réserve pour
alimenter la tuyauterie. (Il arrive que plus de 500 tuyaux
de toutes dimensions fonctionnent simultanément).
La boîte de Récit a un volume de 37 mètres
cubes.