Caen

Les amis de l'Abbatiale Saint Etienne

 

 

Description : https://mail.google.com/mail/images/cleardot.gifProgramme Alain Mabit le 20 mai 2011

 

 Ce programme associe des compositeurs qui ont porté sur l'orgue et sur la musique un regard prospectif,  dans le droit fil de la tradition occidentale la plus vivante et la plus noble, celle qui s'attache à l'évolution des langages et des techniques, en s'affranchissant de toute nostalgie.

Franz LISZT (1811-1886) : Die Toten et Prélude et fugue sur BACH

 

La personnalité et l'œuvre protéiformes de Franz Liszt sont bien connues. Pianiste aussi génial que courtisé, c'est l'archétype quasi mythologique du virtuose romantique, déchaînant l'enthousiasme dans les cours et les salles de concert de l'Europe entière. Compositeur inspiré et progressiste, il fit spectaculairement évoluer l'art musical, jusqu'aux confins de l'atonalité, et son influence se fit sentir bien après sa disparition.

Très attiré par l'orgue, auquel il s'initia, il suivait de près les recherches du facteur Aristide Cavaillé-Coll, dont les instruments l'impressionnaient beaucoup. Il est dans ce programme représenté par deux œuvres :

–        un poème symphonique sur une « oraison » (« Les morts ») de Lamennais (1782-1854), prêtre engagé, l'un des fondateurs du christianisme social. Liszt suit le poème pas à pas; en voici deux extraits, qui éclaireront le projet, la trajectoire et l'atmosphère de la pièce:

« Ils ont aussi passé sur cette terre; ils ont descendu le fleuve du temps; on entendit leurs voix sur ses bords, et puis l'on n'entendit plus rien. Où sont-ils? Qui nous le dira? Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur! … Des lieux inconnus où le fleuve se perd, deux voix s'élevèrent incessamment. L'une dit: Du fond de l'abîme j'ai crié vers vous, Seigneur: Seigneur, écoutez mes gémissements, prêtez l'oreille à ma prière!....Et l'autre : Nous vous louons, ô Dieu! Nous vous bénissons... Et nous aussi nous irons là d'où partent ces plaintes ou ces chants de triomphe. Où serons-nous? Qui nous le dira? Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur! »

–        Une pièce concertante bien connue dont la trajectoire, tour à tour improvisatoire ou plus contrapuntique, s'origine dans la profération et la prolifération du plus célèbre tétragramme de l'histoire de la musique : comme une révérence et une référence, les quatre notes qui, dans le solfège anglo-saxon, traduisent le nom de BACH (si bémol, la, do, si bécarre).

 

Jean-Pierre LEGUAY (né en 1938) : Préludes 9, 13 et 16

 

Jean-Pierre Leguay, présentement l'un des organistes titulaires de la cathédrale Notre-Dame de Paris, compositeur, interprète et improvisateur mondialement célèbre, fournit à ce programme ses articulations. Les préludes, déjà anciens dans sa production, sont de

courtes pièces, galbées, sans exclusive toutefois, pour une utilisation liturgique, et qui explorent chacune une seule couleur timbrale, dans une palette expressive finement graduée, de l'intériorité du prélude 9 à l'humour jubilatoire du prélude 16.

Gyorgy LIGETI (1923-2006) : Volumina

 

Gyorgy Ligeti, d'origine hongroise, ne découvre la jeune musique occidentale (de l'époque : Boulez, Stockhausen, principalement) qu'en s'établissant en Europe de l'Ouest en 1956, fuyant la répression soviétique. Il trouve d'abord son chemin en cherchant une musique de pures masses, de « volumes » appelant une perception globale, où n'existent plus d'intervalles ou de rythmes, mais des nuages sonores de densité, de couleurs et de granulations en évolution constante et finement agencée. Cette pièce, célèbre depuis sa création en 1962, en est un exemple particulièrement explicite.

Leos JANACEK (1854-1928) : postlude de la Missa Glagolythica

 

Leos Janacek, écrivit vers la fin de ses jours un impressionnant ensemble pour soli, chœurs, orchestre comprenant un orgue: la « Missa glagolythica », ainsi appelée car faisant appel à des textes en slavon, la langue sacrée de la tradition orthodoxe. L'avant-dernière séquence de cette messe est confiée à l'orgue seul, qui articule une musique de la transe, sorte de giration portée à l'exacerbation par la répétition quasi hypnotique d'un motif mélodique obstiné.  Son aspect visionnaire fait de cette pièce l'axe naturel de ce programme.

Olivier MESSIAEN (1908-1992) : trois extraits de la «  Messe de la Pentecôte » 

Entrée : « Les langues de feu »; Consécration « Le don de sagesse »; Sortie « Le vent de l'Esprit ».

 

On ne présente plus Olivier Messiaen, compositeur, pianiste, organiste, dont la foi irrigue presque toute sa création. C'est encore le cas dans la « Messe de la Pentecôte », pensée pour cet office, et créée le jour de la Pentecôte 1950 à l'église de la Trinité à Paris, dont Messiaen était l'organiste. Trois pièces seront jouées : l'entrée, qui entoure une belle mélodie, confiée à  un timbre clair, d'un environnement sonore riche et énigmatique où s'entend l'influence de la musique électroacoustique de l'époque. La consécration alterne deux types de séquence musicale : un refrain mélodique en sons complexes, chaque son portant son propre timbre, à quoi s'opposent des couplets monodiques, directement tirés, anamorphosés par le langage de Messiaen, d'un « Alleluia » grégorien de la messe du jour de la Pentecôte. La sortie, pièce très picturale, décrit la bourrasque qui envahit la maison où sont réunis les apôtres, et la commente par un chant d'alouette exultant, métaphore de la joie du croyant