Les amis de l'Abbatiale Saint Etienne

 

 

     
    
Historique et Caractéristiques de l'Instrument


      Dès sa création au XIème siècle, l'Abbaye aux Hommes devint un foyer d'éducation artistique réputé et il est possible que les chants y soient déjà accompagnés par un instrument mais il n'en transparaît aucune preuve. Les archives attestent qu'un orgue existait au XVème siècle. Il fut détruit par les Huguenots en 1562. Après le sac de l'église, il fallut attendre près de deux siècles avant la commande aux célèbres facteurs rouennais Lefebvre, en 1737, d'un nouvel orgue qui fut monté dans le buffet monumental que nous voyons aujourd'hui sur la tribune de pierre spécialement élevée au-dessus du grand portail. Ce meuble s'harmonise fort bien avec l'austère architecture romane de l'abbatiale. Toute la décoration à dominante végétale stylisée a été réservée aux cinq couronnements des plates-faces et au sommet des tourelles. Deux atlantes herculéens, œuvre du sculpteur Gouy, soutiennent les grandes tourelles latérales.

Il s'agissait ici d'un très grand instrument d'une soixantaine de jeux, d'un grand seize pieds de composition classique, longtemps considéré comme le second du royaume avec ses cinq claviers manuels et son pédalier et qui apportait d'importantes améliorations techniques et sonores pour son époque. Sauvé des méfaits de la Révolution, il devint vite inutilisable et une première intervention importante par le facteur Verschneider en 1860 ne parvint pas à le sauver. Il fallut songer à une totale reconstruction.

En 1882, la paroisse passa marché, pour 70.000 F, avec le plus célèbre organier français Aristide Cavaillé-Coll qui, parvenu à l'apogée de sa renommée, s'engagea à construire un ensemble de très grande qualité avec des matériaux de tout premier choix, un ensemble muni des derniers perfectionnements, la plupart ayant été mis au point par lui-même. Il s'agissait d'un orgue de 50 jeux alimenté par une puissante soufflerie (à cette époque actionnée par quatre hommes) desservant une douzaine de réservoirs secondaires régulateurs et anti-secousses. Cet orgue serait équipé de sommiers à double laye, de deux machines pneumatiques destinées à adoucir le toucher des claviers, de nombreuses pédales de combinaisons et des fameux jeux harmoniques qui étaient la spécialité du constructeur. Thiémann, le meilleur mécanicien de la firme, dressa les plans de la machine et Félix Reinburg, harmoniste de très grande valeur, véritable artiste en la matière, réalisa une première mise en harmonie en atelier qui fut reprise par Joseph Koenig après remontage dans l'ancien buffet des Lefebvre qui fut conservé pour son excellent état (il fut évalué à ce moment pour 60.000 F).

L’orgue de Cavaillé-Coll, qui remplaçait le grand plein-jeu du XVIIIème siècle, est celui que nous entendons aujourd'hui. De conception symphonique il appartient à la dernière manière du maître-facteur qui a su le mettre en résonance avec l'acoustique capricieuse de l'édifice. Il excelle, bien sûr, dans l'évocation des grandes fresques sonores des Franck, Widor, Vierne, Reger, Dupré ou Messiaen pour ne citer que ceux-là. Il comble aussi les improvisateurs qui sont subjugués par l'indicible beauté de ses jeux de fonds, par la noblesse de ses jeux d'anches, par la vérité sonore de ses jeux de détail et par la noblesse de son majestueux tutti de plénitude. Il s'agit bien d'un orgue à la Guillaume-le-Conquérant pour reprendre une expression du grand Marcel Dupré.

Sa réputation dépasse largement nos frontières. Il nous parvient heureusement dans son intégralité originelle grâce à la vigilance de tous ses responsables. Classé monument historique dans sa totalité, il figure au palmarès des quatre ou cinq meilleures réalisations du plus grand facteur du XIXème siècle.

caracteristiques de l'Orgue